Guinness détient la plus ancienne marque déposée encore en activité, enregistrée en 1876, mais le secteur de la mode compte des maisons fondées plus d’un siècle plus tôt. Hermès, créée en 1837, précède Louis Vuitton de près de trente ans, tandis que la plus ancienne maison de couture encore active, Lanvin, remonte à 1889. Certaines griffes, disparues ou absorbées, n’ont pas survécu aux mutations économiques et aux changements d’époque.L’évolution de ces maisons témoigne d’une capacité rare à s’adapter sans rompre avec leur héritage. Les marques centenaires pèsent aujourd’hui sur la création contemporaine, tout en imposant leurs codes et leur influence sur l’industrie globale du luxe.
Comment la notion de luxe s’est forgée à travers les siècles
L’idée de luxe trouve ses origines dans la France du XVIIe siècle. Sous l’impulsion de Jean-Baptiste Colbert, fidèle conseiller de Louis XIV, la mode et l’artisanat se transforment en instruments de prestige pour la monarchie. Paris s’impose alors comme place centrale de l’élégance, tandis que la couture française structure ses corporations. À partir de là, le luxe déborde la simple ostentation pour embrasser le raffinement, la maîtrise technique et une certaine audace stylistique.
Le XIXe siècle marque un changement radical. Charles Frederick Worth, un Anglais audacieux installé à Paris, rebat les cartes : première maison de couture signée du nom du créateur, vêtements griffés, collections dévoilées sur mannequins vivants. Ce sont de véritables innovations qui posent les bases de la mode moderne, entre tradition maison et ouverture vers la nouveauté.
Ce tournant repose sur trois fondements qui redéfinissent le luxe :
- La rareté mise en avant : matériaux sélectionnés, pièces numérotées ou fabriquées en petite quantité.
- L’exclusivité vécue : relation privilégiée avec la clientèle et travail individuel.
- L’ascendant parisien : Paris devient le foyer majeur de la haute couture et du bon goût.
Dès lors, le prestige d’une griffe se juge à l’adresse de son atelier, à l’exigence de finition et à une réputation bâtie sur la constance. Cette approche modèle toute une industrie qui combine exigence du passé et innovations permanentes, chaque nouvelle collection se faisant l’héritière d’une tradition solidement ancrée.
Quelles sont les plus anciennes marques de mode encore actives aujourd’hui ?
Parmi la poignée d’établissements fondés il y a plus d’un siècle, certains traversent le temps sans jamais renier leur âme. Worth, créée à Paris en 1858, demeure la plus ancienne maison de mode encore en activité. Pionnière, elle transforme la couture française et impose la griffe du créateur ainsi que le sur-mesure comme nouvelles références.
La France figure au centre de ce récit. Louis Vuitton, né en 1854, illustre à lui seul cette alliance de tradition, de raffinement et d’esprit visionnaire. Originellement malletier, la maison s’inscrit rapidement dans l’histoire du luxe grâce à son sens du détail et son engagement envers l’excellence artisanale. Ce socle, hérité d’un passé prestigieux mais toujours ouvert à l’innovation, forge l’influence unique de ces maisons sur le secteur du luxe.
Ces institutions historiques illustrent la longévité des maisons emblématiques :
- Worth (Paris, 1858) : première maison de haute couture et symbole d’exclusivité depuis sa fondation.
- Louis Vuitton (Paris, 1854) : leader du bagage de luxe, constamment à la pointe de l’inventivité et de la fabrication d’exception.
Quelques maisons italiennes et britanniques fondées à la même époque subsistent aussi, mais rares sont celles qui ont résonné aussi fortement dans la culture de la mode française. Leur survie tient à l’art d’équilibrer fidélité à un héritage et renouvellement constant. L’histoire originelle de ces marques s’enracine dans un tissu de transmission, d’exigence et de recherche stylistique sans relâche.
Qu’est-ce que l’héritage des maisons centenaires : traditions, savoir-faire et influence contemporaine
La force de ces grandes maisons réside dans leur capacité à préserver des gestes anciens, transmis de couturier en couturier, souvent à l’abri des radars de l’industrie de masse. Dans les ateliers, chaque pièce prend forme dans le respect minutieux des techniques historiques, et la modernité s’inscrit dans la continuité plutôt que dans la rupture. Des noms comme Chanel ou Dior ne façonnent pas seulement des collections : ils donnent le ton, influencent le style international et cultivent une vision qui traverse les générations.
Gabrielle Chanel, surnommée Coco, a libéré la silhouette féminine, dessinant une élégance souple, épurée, qui résonne encore aujourd’hui. Karl Lagerfeld, à son tour, a insufflé fraîcheur et énergie tout en restant fidèle à l’esprit de la maison. Paul Poiret ou Pierre Balmain, eux, n’ont rien craint : ils ont osé des formes inédites, de nouveaux matériaux, emportant la couture parisienne sur la scène internationale.
L’Italie, de son côté, porte haut la tradition grâce à son artisanat inimitable. Le Made in Italy s’impose par la qualité de l’exécution et le style. La Fashion Week de Milan, suivie mondialement, prolonge cet héritage. Qu’elles soient françaises ou italiennes, ces grandes maisons deviennent des repères, transmettent un patrimoine commun et laissent une empreinte solide sur la création contemporaine.
Ce que l’histoire des grandes marques de luxe révèle sur l’évolution de la mode
S’il y a un fil conducteur au sein de la mode de luxe, c’est ce dialogue permanent entre respect du passé et envie furieuse de bousculer l’ordre établi. Les maisons centenaires ne se contentent pas d’exister : elles s’adaptent, devancent parfois les profondes mutations sociales, politiques ou même artistiques. L’après-guerre l’a démontré lorsque Christian Dior a propulsé le New Look, replacé Paris au centre du jeu, redistribué les codes. Chanel, Elsa Schiaparelli, Paul Poiret : chaque figure a ouvert de nouvelles portes et montré que la singularité guide le mouvement.
Plusieurs créateurs ont marqué de leur empreinte les tendances durables :
- Yves Saint Laurent bouscule l’image de la femme avec le smoking repensé et une idée renouvelée d’élégance.
- Rei Kawakubo dynamite les volumes et brouille les frontières entre vêtement utilitaire et œuvre esthétique.
Les années passent, mais ce goût du risque et de l’expérimentation demeure. Les accessoires, autrefois accessoires justement, prennent leur revanche : ils s’affichent comme piliers identitaires et portes d’entrée dans l’univers de chaque griffe. Collection après collection, de Chanel à Saint Laurent, le dialogue avec l’époque reste constant. L’élan créatif ne ralentit jamais, et c’est dans cette tension féconde entre mémoire et renouveau que la mode de luxe continue d’écrire son histoire, page après page, silhouette après silhouette.


